Une bible de missionnaires anglais ne comportait que 10% de l'Ancien Testament.
Le musée de la Bible à Washington D.C. (un musée proche des évangélistes) abrite un document extrêmement rare: une bible utilisée dans les années 1800 par des missionnaires britanniques pour convertir et évangéliser les esclaves importés aux États-Unis. L'ouvrage appartient à l'université de Fisk.
Uniquement trois copies de cette bible sont connues dans le monde, dont une seule aux États-Unis. Ce qui les rend réellement uniques, c’est ce qu’elles contiennent. «Environs 90% de l’Ancien Testament est manquant ainsi que 50% du Nouveau Testament, explique Anthony Schmidt, l'un des conservateurs du musée. C’est-à-dire que sur les 1.189 chapitres dans une bible protestante standard, celle-ci n’en compte que 232.»
Cette édition de la bible a en fait été expurgée de tous les passages qui pouvaient inspirer la rébellion ou la libération. C’est pour cette raison que l’Ancien Testament, en grande partie consacré à l’exode des Juifs d’Égypte où ils étaient réduits en esclavage, est quasiment absent de cette version.
Éviter les révoltes
La bible est un livre complexe qui compile des écrits variés, émanant de dizaines de mains différentes, rédigés sur plusieurs siècles. En coupant certains passages pour en privilégier d’autres, on peut donc lui faire porter des messages différents, voire opposés. Dans cette version réservée aux esclaves, le verset «Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ» (Galates 3:28) est supprimé, mais «Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair, avec crainte et tremblement, dans la simplicité de votre coeur, comme à Christ» (Éphésiens 6:5) est conservé.
Il y a plusieurs théories sur le contexte de la création de cette bible. La principale est que les esclavagistes des Caraïbes s’opposaient à ce que des missionnaires puissent évangéliser les esclaves africains qui leurs appartenaient. «Cette bible peut être interprétée comme une manière de dire “Nous voulons convertir ces Africains mais nous n’allons pas leur apprendre quoi que ce soit qui puisse inciter une rébellion”», détaille Anthony Schmidt.
Slate.fr